Tous les sept ans environ, on repeint la tour Eiffel pour éviter qu’elle rouille. Cette fois-ci, pour la vingtième campagne, il a été décidé d’en faire davantage. On s’est lancé dans des études, on a fait des sondages, on a décapé les couches de peinture accumulées, jusqu’à faire apparaître par endroits la couche initiale. À l’origine, il y avait une polychromie en cinq tons, allant d’un rouge atténué (parfois qualifié de rouge de Venise) à l’ocre jaune. Le premier étage était couronné d’arcades métalliques richement ornées et peintes en ces divers tons. En 1889, année de son inauguration, la tour Eiffel était bien plus fantaisiste que celle que nous avons aujourd’hui sous les yeux !
Pour l’exposition de 1889, Gustave Eiffel (1832-1923) veut montrer que la France n’est pas diminuée par la défaite de 1870. S’il commande à ses ingénieurs une tour remarquable par sa hauteur, il comprend vite que cet objet purement technique est décevant. Il ne répond pas à l’exigence de synergie des sciences et des arts propre aux expositions universelles. Eiffel confie donc à un architecte de grand talent la mission de transformer cette tour en un objet à la fois technique et artistique. Cet homme, c’est Stephen Sauvestre (1847-1919). Formé à l’École spéciale d’architecture (ESA), créée dans le sillage de Viollet-le-Duc pour échapper au conformisme haussmannien, Sauvestre redessine le profil de la tour et l’enrichit d’une élégante décoration, surtout au premier étage et au sommet. Enfin, il y déploie la polychromie. Bref, la tour, qui aurait dû s’appeler « tour Sauvestre », est une merveille de la Belle Époque.

